En égrainant une grenade rouge vif, je me suis rappelé qu'il y a un an, à cette date, j'entamais depuis quelques jours mon "mois d'Or", ce mois abordé par diverses traditions et cultures, invitant la jeune maman à rester le plus longtemps possible allongée et au repos et à tisser les liens avec son nouveau-né. Un mois à recevoir tandis que le corps alors si grand ouvert par cet enfantement, entame sa lente et silencieuse récupération. J'ai eu la grâce d'avoir ma mère et mon compagnon auprès de moi, qui quotidiennement, prenaient soin de préparer nos repas et de prendre soin de mes besoins pendant que j'apprenais à répondre à ceux de ce nouvel univers venu nous rejoindre. Je parle là de grâce car, dans "le tumulte de nos vies" comme le nommerai si bien Christiane Singer, prendre le temps de s'arrêter est considéré comme un luxe, pourtant si précieux et nécessaire lorsqu'il s'agit d'accueillir un nouvel être et de poser les fondations de son existence.
J'ai choisi de suivre mon rythme, d'assumer de ne pas désirer sortir immédiatement de ce cocon, ni par une communication exhaustive, ni par des visites. Cela a créé des remous, étonné certains, confronté d'autres, et pourtant une profonde évidence de tenir le cap de mes besoins et de prendre soin de la vulnérabilité de cet enfant, m'animait.
Il y' a quelques jours, en célébrant le premier anniversaire de notre fille, j'ai soudainement mesuré l'absence de considération et de célébration de ce sacré passage et passage sacré qu'est l'enfantement. Un silence tel, partagé de tous, qui m'a étonnamment boulversé et donné la sensation que ce thème avait rejoint d'autres sujets catalogués tendancieux dans la bibliothèque des tabous.
Comme si l'enfant avait été apporté un beau jour, par la jolie cigogne.
N'étaient célébrés ni les 9 mois de grossesse, ni les heures (plus ou moins nombreuses) de traversées initiatiques, ni la désespérance, ni l'extase, ni la force et le courage de chaque mère qui choisit de mettre au monde son enfant du mieux qu'elle le peut, avec les cartes que chacune a en mains.
J'avais déjà lu sans l'avoir véritablement ressenti, que fréquemment, une fois l'enfant né, le focus pouvait abruptement changer, l'entourage perdant de vu le lien étroit qui lie deux naissances, celle d'un enfant et d'une maman. Cette fois ci je le vécu.
En me questionnant j'ai collecté des réponses, parfois délivrées de manière impromptues. Et mon coeur pleure presque de me rendre compte de la douleur de celles qui, loin de vouloir célébrer, désirent ardemment éloigner tout souvenir de cet évènement vécu comme traumatisant, éclipsant leur rôle (principal) dans la scène qui s'est jouée. Le jour J, l'objectif est alors braqué sur l'enfant un point c'est tout, le reste sombrant dans un silence qui arrange et évite de revivre et ressentir la blessure d'alors.
Et pourtant, chaque naissance aussi bouleversante qu'elle soit, n'est-elle pas par essence un hymne au vivant, au courage et à la magie de l'humain, de la femme qui fait le pari de laisser la Vie la traverser, l'ouvrir et la marquer à tout jamais, car rien ne sera plus pareil. N'est-ce pas ce passage là, unique à chaque enfantement, pour chaque nouvelle vie qui pose le pied sur cette terre, qui devrait être célébré au lieu d'une fête des mères dont la date arbitraire ne touche que certains un coup sur deux ?
J'ai cherché l'étymologie du mot "anniversaire", et découvert qu'au Moyen Age, l’anniversarium ne désignait pas la fête du jour de naissance, mais la commémoration du dernier souffle. Durant des siècles donc chaque année l'anniversaire donnait lieu à des prières en mémoire du défunt, données par des moines spécialement affectés à ce service. Un maître m'a rappelé que donner la vie c'est aussi donner la mort.
Et si c'était cette peur là, celle de sa propre mort, frôlée parfois lors de l'enfantement, qui est tant mise à distance. Les morts et deuils qui accompagnent le passage de Femme à Mère, qui lorsqu'ils ne sont pas accompagnés sont tus et enterrés dans un coin sombre. Peut être.
Mourrir à Soi, et (re)naître différente,
marcher sur le feu de l'inconnu brulant,
avoir peur, pleurer, hurler, remercier...
Aimer.
Enfanter
De mon insurrection je tire le fil, et choisi de m'offrir et de partager une définition de l'anniversaire qui me correspond avec bien plus de douceur et de justesse aujourd'hui.
Celle d'une Célébration, d'une fête, bruyante ou timide, qui honore " l'enfant qui a la force et la sagesse de naître et la mère qui a tout ce dont elle a besoin en elle pour enfanter"*
celle de la (re)naissance d'une famille ;
celle de la gratitude des lignées qui ont permis à ce "miracle" d'arriver ;
celle de la gratitude aux femmes qui enfantent depuis la nuit des temps et aux hommes et femmes qui les accompagnent.
celle de l'humilité face à la puissance du vivant.
celle de la Mort, et de la Vie.
Sources citées :
*- Karine la sage-femme
- https://www.letemps.ch/societe/feteton-anniversaire
Photographie : Lamine Iketeah
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